La cérémonie semblait être suspendue à un temps indéfiniment long, comme s'il n'avait plus de prise sur les fidèles lorsqu'ils prient, rassemblés, dans un lieu saint. Tous fixaient les lèvres de Xelia. Son premier credo, pour peu conventionnel, avait retourné un murmure de désapprobation. L'assemblée, cependant, bienveillante à l'égard de la vassale de ses parents, avait rapidement réagi.
Pendant cet intervalle, Emery contempla un des vitraux de la chapelle. Saint Austremoine, dans une tunique de drap bleue, la tête baignant dans la lumière de la Gloire, baptisait un homme à genoux. La situation était identique, les gestes se répétaient, la foi était transmisse, et ainsi à travers les âges.
Si Emery songeait le plus honnêtement qu'il put dans sa tête d'enfant à la religion aristotélicienne, il n'était pas certain de croire, d'avoir une foi profonde en l'enseignement qui lui avait été religieusement transmis. Il craignait, certes, la damnation pour son âme et espérait la paix éternelle, comme tout un chacun en ces temps-là. Quant à la place qu'il pouvait réellement accorder à cet ensemble de rituels, il ne pouvait empêcher une pointe de scepticisme le chatouiller. Et pourtant...
La religion n'en avait pas moins son utilité. Elle tissait un lien social entre les différentes populations de la société, qu'elles prient, travaillent ou se battent. Beaucoup (trop) ne semblaient reproduire qu'un rituel, pour se marier surtout, "parce qu'il fallait le faire". Or, la religion aristotélicienne qui était pratiquée dans le grand duché du Bourbonnais-Auvergne était à la fois un soutient moral pour le peuple et une des raisons d'être d'une classe dirigeante : trop de nobles, avait-il entendu son père affirmer, bafouaient publiquement l'Eglise de Rome alors qu'elle est tout autant à leur service qu'ils sont au sien. Emery ne pouvait qu'approuver ces propos.
Un nuage masqua un instant le soleil, obscurcissant ainsi quelques secondes la petite chapelle. L'atmosphère devint pesante durant un instant. Le vent chassa rapidement ce nuage, et les vitraux illuminaient l'allée et le choeur de la chapelle de ses couleurs miroitantes.
Tout le monde attendait désormais que la réponse de Xelia ne les laisserait pas au bord des ténèbres une fois encore.